L'évolution morphologique et la mobilité des fleuves sont des processus longs et naturels qui modifient les paysages fluviaux dans lesquels les sociétés vivent en interaction constante avec le cours d'eau et sa plaine. Les sociétés anciennes et contemporaines ont modifié leur environnement et aménagé les corridors fluviaux pour des usages variés (exploitation pastorale des zones humides, commerce fluvial, gestion des crues...). De part leurs actions, elles modifient ainsi le fonctionnement des rivières avec des conséquences directes qui peuvent être prévues, mais également de façon indirecte ou différée, parfois imprévues.
Le territoire de la Petite-Seine qui s'étend entre la confluence Seine-Aube proche de Romilly-sur-Seine et la confluence Seine-Yonne à Montereau, est un exemple de zone très aménagée dès l'Époque Moderne où les enjeux sociétaux sont, encore aujourd'hui, forts (mise au grand gabarit de la Seine, zone d'expansion des crues, exploitation de gravières, protection de la dernière grande zone humide du bassin de la Seine...). Dans cette présentation, les approches archéologique et géomorphologique sont combinées pour reconstruire la trajectoire d'évolution et la déconnexion d'anciens tracés de la Seine en Bassée, et en mesurer les conséquences sur les populations alentours. Le premier exemple se situe à Vimpelles, où un paléo-tracé de 3 km de long est analysé grâce à une trentaine de sondages carottés, permettant de restituer le contexte géomorphologique et historique de son comblement. Les restitutions géomorphologiques et datations suggèrent que ce chenal est hérité d'un ancien tracé néolithique redevenant fonctionnel à la fin de l'Âge du Fer et se comblant progressivement depuis la fin de l'Antiquité. L'analyse de documents d'archives témoigne du rôle de ce chenal sur les échanges vers le village d'Égligny à l'Ouest, où les systèmes féodal et monacal s'étaient organisés autour de la navigation par cette voie de communication. Les contextes climatique et sociétal de l'abandon du chenal (contemporaine de la barque carolingienne trouvée à l'ouest de la commune de Noyen-sur-Seine) posent question et seront étudiés par analyse géochimique du remplissage sédimentaire. Dans un second exemple, les conséquences d'un rescindement de méandre de la Seine longeant le village de Noyen-sur-Seine au XIXe siècle sont documentées par une série de cartes et de documents d'archives, et couplées à l'analyse de la morphologie actuelle. Les résultats montrent que c'est une intervention humaine qui provoqua le recoupement de la boucle de méandre. En conséquence, une sédimentation rapide et un envasement eurent lieu dans le méandre déconnecté formant ainsi un espace d'eaux stagnantes et marécageuses au pied du village de Noyen-sur-Seine. Afin de pallier ces conséquences non anticipées, une écluse fut aménagée afin d'empêcher la déconnexion totale de la paléo-boucle avec la Seine et un canal fut creusé à la sortie du village afin de permettre la circulation et l'oxygénation des eaux. La modification du tracé de la Seine aboutit à la cession par l'Etat de nouvelles propriétés en faveur de la commune de Noyen-sur-Seine.