La composition chimique des poussières urbaines fait l'objet d'études du fait de l'exposition chronique des populations aux contaminants qu'elles transportent et de leur dangerosité potentielle. Parmi les contaminants retrouvés dans les poussières urbaines, l'antimoine (Sb) a récemment attiré l'attention en raison de sa présence dans le sang de personnes en lien avec une exposition environnementale par inhalation dans des zones urbaines aux Etats-Unis (2005) et au Chili (2009).
Malgré les concentrations faibles en antimoine dans les sols et sédiments de zones urbaines (de l'ordre d'une dizaine de mg/kg), Sb est un des éléments présentant les plus forts facteurs d'enrichissement (FE, traduisant l'enrichissement d'un milieu par rapport aux concentrations naturelles). En effet, les concentrations naturelles en Sb sont très faibles : 0,2 et de 0,6-0,8mg/kg dans la croûte terrestre et dans les sols de région parisienne respectivement. Le trafic routier participe à la contamination en Sb en milieu urbain en lien avec la présence de Sb dans les plaquettes de freins. En effet, les plaquettes de freins en céramique contiennent de l'antimoine, utilisé pour ses propriétés ignifuges, depuis l'interdiction de l'amiante. La forme chimique de l'antimoine (degré d'oxydation, ligands) et la nature des particules qui lui servent de vecteur de transport conditionnent sa mobilité dans l'environnement et sa toxicité pour les organismes. Des analyses de spéciation de l'antimoine en phase dissoute menées sur des extraits sols de bords de route ont montré que Sb est essentiellement présent sous la forme de Sb(V), fortement soluble. Toutefois, aucune information n'est actuellement disponible sur les formes chimiques de Sb associées à la phase solide, exerçant un contrôle sur sa réactivité (bio)géochimique. Notre étude aura pour but de retracer la trajectoire de l'antimoine depuis son émission par le trafic routier jusqu'au milieu naturel mais également de mieux caractériser la source « plaquette de freins », en utilisant les bassins de rétention des eaux pluviales routières comme modèles de milieu récepteur. Nous avons sélectionné et prélevé des échantillons dans trois systèmes de bassins d'âges différents. Deux de ces bassins sont situés en milieu urbain et semi-urbain, le troisième se trouve dans une zone agricole peu urbanisée. Tous sont situés au bord d'axes routiers importants (>40000 véhicules/jour). Les premières analyses montrent des concentrations en Sb de l'ordre de 0,3 à 12µg/L dans la phase dissoute et de 0,5 à 43mg/kg dans les sédiments. L'analyse des formes chimiques de l'antimoine en phase dissoute et dans les solides est en cours, ainsi que la mesure de la composition isotopique de Sb dans ces fractions. Ces analyses sont réalisées respectivement par absorption des rayons X sur rayonnement synchrotron et par spectrométrie de masse ICP à multicollection. Il s'agit dans un premier temps de déterminer si la spéciation et le rapport isotopique de Sb dans les poussières de route présentent des signatures caractéristiques, distinctes de celles de l'antimoine d'origine naturelle. Une autre perspective importante de ce travail sera d'examiner l'influence de l'activité microbiologique et des conditions physico-chimiques du milieu sur le comportement de Sb.