Le projet s'inscrit dans le cadre des actions de la Zone Atelier Arc Jurassien (ZAAJ). Ce travail s'intéresse au processus de l'anthropocène inscrit dans la longue durée (XVIe-XXIe siècles) dans la vallée du Doubs, plus précisément de la Bresse jurassienne. En raison de sa richesse écologique et hydrologique liée à l'existence sur place de paléoméandres, cette région de la Franche-Comté est aujourd'hui un centre d'intérêt écologique majeur qui focalise l'intérêt des scientifiques, des collectivités et des milieux naturalistes.
Pour reconstruire les trajectoires de l'anthropocène, cette étude transdisciplinaire utilise majoritairement des matériaux et des méthodes propres à la discipline historique associés à une recherche doctorale en paléoécologie. Outre la documentation ancienne conservée en mairie, un travail d'enquête a été effectué auprès des élus locaux et des habitants, plus particulièrement des agriculteurs locaux. Par ailleurs, l'étude a également impliqué le Conseil départemental du Jura . Depuis, ce travail scientifique a largement contribué au classement récent du site en Espace Naturel Sensible (ENS). A ce titre, il sera prochainement intégré par la mission ENS dans le futur plan de gestion et d'interprétation du Mératon conduit par l'association Dole Environnement. En termes de retombées pour les habitants, plusieurs conférences de restitution sont d'ores et déjà prévues dans différentes communes pour l'année 2021.
Nous présentons préalablement les matériaux utilisés par l'historien et la méthode propre à sa discipline afin de montrer comment une telle approche peut être intégrée à des projets scientifiques associant des paléo-écologues, des hydrologues et des écologues. La seconde partie est consacrée aux fluctuations socio-économiques des communautés locales, à leur usage de l'environnement et aux ruptures qui en ont résulté. Dans cette perspective, une attention particulière est accordée à l'impact des changements climatiques au cours des 500 dernières années, plus particulièrement aux événements climatiques extrêmes (inondations, étiages, sécheresses), sur les communautés ripuaires.
Nous démontrons que l'anthropocène, en termes de modifications profondes et de perturbations de l'hydrosystème, a des racines très anciennes dans cette partie de la Franche-Comté. Contre toute attente, avant 1800, l'Homme était déjà intervenu plus d'une trentaine de fois pour tenter de maîtriser le cours du Doubs, selon des séquences plus ou moins intenses. La seconde phase d'anthropisation soutenue étonne encore plus dans la mesure où quatre vagues se produisent successivement aux XIXe et XXe siècles. Or, la reconstruction des fluctuations démographiques montre que ces travaux d'aménagement du Doubs coïncident paradoxalement avec le déclin du nombre des hommes et son corolaire, l'intensification des pratiques agricoles doublée d'une volonté communale de promouvoir une urbanisation (lotissements) et un tourisme vert (campings) au plus près de la rivière.