Aujourd'hui, la (re) connaissance de la biodiversité et de la géodiversité est acquise, tel n'est pas le cas de la diversité des formes liées aux cours d'eau (ici nommée hydrodiversité). Partant de ce constat, en quoi est-il pertinent de lancer une recherche sur la diversité des paysages fluviaux (hydrodiversité) ?
Les travaux conduits ces dernières années par les chercheurs en SHS montrent une co-construction ancienne des paysages fluviaux dans une interface entre faits de Nature et projets des sociétés. Dans ce cadre, l'hydrosystème fluvial est abordé comme un paysage construit (dimension longitudinale, transversale et verticale) dans une épaisseur temporelle et selon une trajectoire dynamique qui conduit les spécialistes de l'environnement à parler d'anthroposystème (C. Lévêque, 2003), d'hybride (B. Latour, 1991), de nature artefact (C. et G. Bertrand, 2014), ou d'hydrausystème (L. Lespez et al., 2017). Toutes ces considérations invitent à s'éloigner du mythe du désaménagement, de la restauration de la nature enfouie sous l'anthropisation et de l'état de référence (J.-M. Carozza, à paraître).
Dans le même temps on constate, l'existence d'archétypes déshumanisés de représentation des rivières avec des cours d'eau considérés comme de simples supports de projets ou de décors. Ces archétypes sont parfois projetés dans le cadre de travaux de restauration/renaturation au risque de conduire à une uniformisation des paysages fluviaux tout en produisant une multiplication des controverses patrimoniales (Nature/culture).
Des expériences éclairantes sont d'ores et déjà là pour offrir une meilleure connaissance de l'hydrodiversité, à l'image des thèses de géographie récentes conduites sur de grands hydrosystèmes comme la Garonne (M. David, 2016 et S. Lescure, 2015) et le Cher (A. Vayssière, 2018) ou des petits cours d'eau en Ile de France (M. Jugie, 2018), en Normandie (A. Beauchamp, 2018), en Pays-de-la-Loire (G. Paysant, 2019) ou dans les Pyrénées (J. Blanpied, 2019). A l'image également de projets collectifs comme par exemple : Loire et Garonne : "la rivière aménagée" et "Territoires de l'eau" (V. Serna), l'Observatoire des paysages de la Garonne (P. Valette), la Route des crues de la Vézère (J. Linton). Mais ces connaissances sont encore souvent trop fractionnées.
Dans ce projet attaché à une meilleure caractérisation et valorisation de l'hydrodiversité fluviale, l'espace laboratoire retenu correspond aux bassins versants de la Garonne et de la Loire. 3 objectifs principaux sont visés :
1/ préciser ce que recouvre la notion d'hydrodiversité fluviale,
2/ comme pour l'inventaire général du patrimoine culturel, il s'agit de « recenser, étudier et faire connaître les éléments du patrimoine » fluvial « qui présentent un intérêt »,
3/ proposer un premier recensement des services rendus.
Les attendus de ce travail sont de : qualifier et donner à connaître l'hydrodiversité, sensibiliser à la diversité, apporter une aide à la décision.
Dans ce contexte, l'hydrodiversité fluviale est pensée comme un bien commun et un objet intégrateur, mobilisable dans des démarches de concertation. Elle est envisagée dans une logique de projet et donc susceptible de venir en appui des projets de transformation des paysages fluviaux, afin d'éviter leurs banalisations.