Toutes les sociétés égyptiennes ont entretenu des relations privilégiées avec le Nil : l'implantation de l'habitat, des nécropoles et des temples a été dictée par le tracé du fleuve et les terres agricoles profitent des crues du Nil. La compréhension de la gestion des espaces alluviaux est principalement issue de l'analyse du résultat des fouilles archéologiques ou des données épigraphiques ; par ailleurs, les analyses géomorphologiques permettant de reconstituer l'environnement fluviatile du Nil sont encore peu nombreuses et souvent déconnectées des problématiques archéologiques.
L'environnement fluvial de la berge occidentale de Thèbes (Égypte) est analysé depuis la période gréco-romaine en utilisant une approche transdisciplinaire. Cette dernière combine l'étude de données paléogéomorphologiques avec l'analyse lexicographique d'un corpus de 34 actes notariaux en démotique et en grec relatifs à la vente et à la location de terres agricoles provenant de ce secteur. Dans cette perspective, l'analyse de la cartographie disponible - et jusqu'ici peu exploitée - de la région s'avère décisive. L'analyse des cartes du XIXème siècle et du début du XXème siècle (cartes de Jacotin établie en 1826, de Régnauld de Lannoy de Bissy datée de 1890 et de Schweinfurth datée de 1914) montre les changements anthropiques et géomorphologiques qui se sont produits dans la plaine alluviale de la berge occidentale de Louxor, qui a changé depuis plus de 2500 ans. L'exploitation des cartes modernes, en particulier celles datant d'avant la réforme agraire de Muhammad Ali (1804-1848), montre bien l'évolution des réseaux de canaux, des îles et les voies de communication, ainsi que sur la position du Nil. Ces premiers résultats géohistoriques contribuent à mieux comprendre le socio-écosystème nilotique de la berge occidentale de Thèbes (Égypte) au cœur de la civilisation égyptienne plurimillénaire.