Depuis plus de 15 ans, dans la Zone Atelier Environnementale Rurale de l'Argonne (ZARG, nord-est de la France) et dans une perspective « One Health », nous étudions la circulation dans l'environnement d'Echinococcus multilocularis et Toxoplasma gondii, parasites responsables de zoonoses à forts enjeux en santé humaine, animale et environnementale.
Echinococcus multilocularis se reproduit dans l'intestin des canidés (renard, chien...) pour produire des œufs microscopiques dont l'ingestion accidentelle peut être responsable de l'échinococcose alvéolaire, une zoonose invalidante et parfois mortelle. Toxoplasma gondii se reproduit dans l'intestin des félidés (chat forestier, chat domestique, lynx...) pour produire des oocystes, eux aussi microscopiques, dont l'ingestion accidentelle peut entrainer une toxoplasmose, maladie responsable, chez la femme enceinte, d'avortements et malformations et, chez les personnes immunodéprimées, de formes cliniques potentiellement sévères. L'actuelle émergence d'E. multilocularis en Europe, en particulier dans le nord-est de la France, est un important motif de préoccupation sanitaire. Le milieu rural est, par ailleurs, identifié comme source majeure de contamination environnementale par T. gondii.
Les œufs d'E. multilocularis et les oocystes de T. gondii sont répandus dans l'environnement avec les fèces de leurs carnivores hôtes. Ils peuvent persister des mois ou des années sur un sol froid et humide, être déposés sur des végétaux ou entrainés dans l'eau. Les œufs d'E. multilocularis sont infectant pour des espèces de rongeurs hôtes, les oocystes de T. gondii le sont pour tous les mammifères et oiseaux. La prévention des contaminations humaines nécessite une bonne connaissance des modalités de contamination des hôtes et de la distribution spatiale et temporelle des œufs et oocystes.
Dans le paysage rural et forestier de la ZARG, nous avons étudié le régime alimentaire des chats forestiers, chats domestiques et renards pour identifier les circonstances de leur contamination. Nous avons également analysé leurs fèces, suivi des individus par radiopistage, piégé des rongeurs et réalisé des autopsies pour quantifier et localiser la circulation de nos parasites d'intérêt. Par ailleurs, nous avons développé et appliqué des méthodes de détection de l'ADN de ces parasites dans le sol et l'eau afin de déterminer la distribution spatiale et temporelle de leurs formes libres environnementales. Enfin, nous avons cherché à identifier les lieux et circonstances des expositions humaines, par l'étude de jardins potagers et une enquête réalisée auprès des habitants.
Cette recherche pluridisciplinaire sur le long terme repose sur de nombreuses collaborations, dans et hors université. Elle fait l'objet de projets collaboratifs avec d'autres zones ateliers et a donné lieu à 9 thèses de doctorat, 31 publications et 37 communications scientifiques. Les données collectées répondent aux missions épidémiologiques des Centres Nationaux de Référence d'E. multilocularis et T. gondii. Les isolats de T. gondii identifiés sont intégrés dans le Centre de Ressources Biologiques Toxoplasma.