En France, de nombreux cours d'eau présentent des concentrations en pesticides proches des NQE. Mais les indicateurs biologiques actuels ne permettent pas toujours de révéler les effets de ce type de pression complexe avec des effets subtils (pression faible épisodique, récurrente) ou indirects (effets trophiques...). Des indicateurs plus sensibles doivent donc être développés pour statuer sur les effets toxiques potentiels et évaluer leurs conséquences sur le fonctionnement des écosystèmes.
La contamination observée depuis plusieurs années dans la rivière Cleurie constitue un cadre de travail idéal pour étudier ce type de contamination complexe. En raison d'activités industrielles (textiles), ce petit cours d'eau vosgien de tête de bassin versant forestier présente des concentrations élevées de pesticides (dont le glyphosate et son principal produit de dégradation, l'acide aminométhylphosphonique – AMPA) mais inférieures aux normes environnementales. De fortes concentrations d'azurants optiques sont également fréquemment observées, induisant un changement de coloration de l'eau spectaculaire. Les données disponibles, basées sur les indicateurs classiques (diatomées, invertébrés), indiquent pourtant une relativement bonne qualité de l'eau le long du linéaire. Du fait que les rejets soient localisés au niveau d'une zone naturelle d'intérêt écologique (site Natura 2000), que la Cleurie est une rivière très pêchée et que ces entreprises constituent une source essentielle d'emplois dans la vallée, ce site représente un cas d'étude sensible du point de vue socio-économique.
Dans ce contexte, ce projet interdisciplinaire vise à évaluer les effets multiples (environnementaux et sociétaux) de la contamination des écosystèmes aquatiques par les pesticides, dans le cadre du site pilote de la Cleurie. Il regroupe les expertises complémentaires de différents partenaires de la Zone Atelier Moselle (ZAM), en écologie et écotoxicologie aquatiques, chimie analytique (matière organique, pesticides), géographie (hydrologie) et sociologie (controverses environnementales). Nos objectifs sont d'identifier des indicateurs/marqueurs globaux permettant de caractériser (1) la pression toxique in situ ainsi que (2) ses effets sur un compartiment clé du milieu aquatique (biofilms) mais également (3) la circulation des savoirs scientifiques produits entre les différents acteurs (scientifiques, pouvoirs publics, citoyens...) impliqués dans une controverse locale mais qui s'inscrit dans celle plus générale et ancienne sur la toxicité des pesticides. Cette présentation portera sur les premiers résultats obtenus dans le cadre de cette approche intégrée.